Pour une meilleure compréhension de la néosporose

La néosporose est une dominante pathologique dans l’espèce bovine. Elle est la première cause d’avortements en France et en Mayenne devant la Fièvre Q (statistiques 0SCAR 2022 sur 26 départements, jugés responsable comme agent pathogène isolé seul de 17% des avortements).

La maladie elle-même n’est connue chez les bovins que depuis le début des années 1990.

En pratique, en cas d’avortements répétés, elle doit être systématiquement recherchée.

Neospora caninum, parasite protozoaire, a pour hôte définitif le chien (où s’effectue la reproduction du parasite) et pour hôte intermédiaire les bovins notamment. Elle n’induit des problèmes sanitaires avec des avortements ou des veaux avec malformation que si le bovin est contaminé lorsqu’il est gestant. Un bovin contaminé avant la gestation sera protégé contre une nouvelle infection pendant la gestation.

Aucun traitement médicamenteux ni vaccin n’est disponible. Seuls des plans de dépistage avec réforme ciblée sont mis en place pour contrôler la maladie lors de contamination verticale transplacentaire et des mesures de biosécurité avec gestion des chiens de ferme lors de contamination horizontale par la contamination de l’aliment souillé par des selles de chien.

En conséquence, aucun laboratoire pharmaceutique vétérinaire n’effectue des recherches forcement onéreuses pour approfondir le diagnostic et l’ensemble des connaissances sur la maladie sur l’espèce bovine mais aussi sur l’espèce canine.

Il y a donc un énorme fossé entre l’importance de la maladie sur le terrain et sa connaissance par les milieux scientifiques.

Heureusement, le parasite Neospora caninum est proche de Toxoplasma gondii qui peut contaminer à partir notamment des selles du chat ou d’ingestion de viande de porc ou d’agneau peu cuite contaminée l’être humain et pose un sérieux problème de santé publique chez les femmes enceintes avec les risques d’avortement en début de grossesse mais aussi chez les immunodéprimés. Hormis ces deux catégories, on peut qualifier la toxoplasmose de maladie bénigne. Rappelons : environ 90 % de la population française possède des anticorps contre Toxoplasma gondii qui protègent contre la maladie de manière définitive.

Nous pouvons obtenir des infos complémentaires grâce aux travaux sur la toxoplasmose ovine.

Beaucoup de connaissances peuvent être extrapolées à la toxoplasmose dans une certaine mesure, mais pas toutes comme nous allons le voir.


1° Portage chronique du parasite

Neospora caninum contamine souvent des animaux à vie, les animaux deviennent porteurs chroniques et transmettent par voie transplacentaire le parasite lors de la gestation.

En pratique, des formes particulières du parasite (bradyzoïtes) sont stockées dans des kystes musculaires ou dans le système nerveux central de la vache, à l’abri du système immunitaire.

A notre connaissance, aucune étude effectuée en abattoir ne vient apporter des éléments complémentaires de description de localisation des lésions.

En revanche, les lésions fœtales sont très bien renseignées.

Par des mécanismes partiellement élucidés, il y a réactivation des kystes dormants lors de la gestation avec migration possible dans le placenta.

2° Délai entre contamination par les selles du chien et avortement en milieu de gestation

Pour la toxoplasmose humaine : l’incubation de la maladie semble être de 5 à 20 jours avec des signes cliniques de petite grippe mais cela est encore peu éclairci.

Données peu précises sur les bovins là encore. Tout dépend du stade de gestation mais on estime l’incubation à au moins à 1 mois.

3° Immunité

On constate que même si la réponse immunitaire spécifique de type humorale (anticorps spécifiques) est intense, c’est la réponse immunitaire de type cellulaire médiée principalement par l’interféron gamma (IFN- γ) qui est la clé de la résistance à l’infection.

Les anticorps sont sécrétés de manière plus ou moins importante avec une plus grande sécrétion en fin de gestation. La fabrication d’anticorps nécessite classiquement 3 semaines après contamination.

Question complémentaire ; un animal séronégatif peut-il être porteur du parasite. On ne le sait pas et on ne peut l’exclure du fait de l’enkystement du parasite comme cela a été montré récemment pour la besnoitiose mais aussi de la baisse du taux d’anticorps en dessous des seuils détectables par moment.

4° Que se passe-t-il lors de la gestation en cas d’infection horizontale ou verticale ?

Tout dépend du stade de gestation : on peut distinguer 3 périodes : début (les 3 premiers mois) milieu (3ème au 7ème) et fin de gestation.

Étant donné que la néosporose apparait principalement chez les animaux gestants, il est important de relever les changements qui ont lieu dans le système immunitaire au cours de la gestation et qui peuvent rendre l’animal vulnérable à la maladie.

  • 1) Au début de la gestation, la mère est capable d’induire une forte réponse de prolifération cellulaire avec production d’interféron contre N. caninum. Par conséquent, l’avortement lié à l’infection par N. caninum peut être causé par une inflammation du placenta
  • 2) une immunomodulation importante de la réponse immunitaire se produit au milieu de la gestation, ce qui peut déclencher une réactivation des parasites chez les bovins infectés de manière chronique. L’invasion du placenta et du fœtus par le parasite se produisent. À ce stade de la gestation, l’infection parasitaire peut entraîner la mort du fœtus ou du veau par la suite qui va présenter certains signes cliniques locomoteurs et neurologiques fatals
  • 3) À la fin de la gestation, le système immunitaire du fœtus arrive à maturité et peut contrôler l’infection. Le veau est donc infecté de manière congénitale, mais il est par ailleurs en bonne santé.

L’âge gestationnel du fœtus au moment de l’infection est donc crucial pour déterminer la gravité de la néosporose.


5° Virulence des souches

Les études de terrain le prouvent. Une découverte d’un troupeau fortement positif peut être faite fortuitement comme lors de la vente d’un troupeau. Aucun cas d’avortement n’avait été remarqué alors qu’une grande partie des animaux sont séropositifs.

Il existe de grandes différences de virulence entre les souches comme cela a été démontré dans des études espagnoles.

Certaines souches provoquent des lésions très mineures sur le fœtus alors que d’autres provoquent des lésions nécrotiques et inflammatoires très importantes incompatibles avec la survie du fœtus.

L’intérêt des souches peu pathogènes naturelles est important. Elles peuvent immuniser les animaux définitivement contre la maladie comme c’est le cas chez l’homme.

D’autres points seront abordés dans une deuxième partie.