Chez les vaches laitières, les problèmes de pattes deviennent récurrents. L’introduction de bovins avec l’agrandissement des troupeaux, la mécanisation et l’automatisation des tâches (robot de traite) sont de nouvelles contraintes pour les animaux. Ils séjournent de plus en plus longtemps dans les bâtiments, le zéro pâturage devenant la norme dans certains ateliers. Ainsi, toute la journée, les bovins se déplacent sur des sols durs, abrasifs et souillés par les urines et déjections. Ces conditions peuvent être à l’origine de traumatismes et de lésions d’origine infectieuse au niveau des pieds.


La mise en place de mesures de biosécurité permet de préserver la santé du pied des bovins et maîtriser l’apparition de boiteries.


Les achats


Lors de l’achat de bovins, des analyses sont habituellement préconisées avant l’introduction de bovins dans son exploitation. La détection des boiteries est rarement envisagée. Pourtant, un coup d’œil sur l’état des pieds éviterait beaucoup de désagréments.

En effet, les boiteries « s’achètent » : La dermatite digitée et le fourchet en sont de parfaits exemples. Ces  maladies du pied sont dues à des bactéries. Contagieuses, elles se diffusent ensuite dans l’élevage acheteur. Ainsi, en quelques années, la dermatite digitée, aussi appelée maladie de Mortellaro, est devenue le problème n°1 dans un grand nombre d’élevages.


Au même titre qu’on regarde l’état des pneus lors de l‘achat d’une voiture d’occasion, le bon réflexe est de soulever les pattes des vaches pour s’assurer de l’absence de lésions podales. Si vous n’avez pas cette audace, la détection des boiteries dans l’élevage peut se faire en observant le comportement des animaux, leurs déplacements dans le bâtiment, en pâture : observation des aplombs, de la ligne de dos, mouvements de tête et de l’encolure, raideurs articulaires, petites foulées (onglons postérieurs qui ne se posent pas dans les empreintes des onglons antérieurs).



Le couchage


Une vache reste en position couchée de 10 à 14 heures par jour. C’est à ce moment-là qu’elle produit son lait. Il faut donc de la place de couchage pour tout le monde… Afin que les animaux ne restent pas debout trop longtemps, il est nécessaire que le nombre de logettes ou la superficie de l’aire paillée soient adaptés au nombre de vaches. Un manque de places à l’abreuvoir, un temps de blocage au cornadis ou une traite trop longue augmentent le temps passé debout. Des comportements agressifs peuvent s’exprimer mais surtout, des boiteries peuvent apparaitre. Quelles que soient les circonstances, les vaches ne doivent pas piétiner plus de 1 h 30 d’affilée.

Accessible, le lieu de couchage doit être également confortable, moelleux, propre et sec. Lorsque peu de vaches sont couchées, penchez-vous sur la qualité du couchage. Il en est souvent la cause : exiguïté, dureté, inconfort.

Le risque de boiteries et de lésions infectieuses semble plus élevé en stabulation avec logettes que sur les aires paillées. Les vaches sont plus adaptées aux sols souples et le confort des logettes y est plus limité. L’installation de tapis permet d’éviter les blessures, les escarres.




Si le temps passé couchée est important, la vache doit pouvoir se lever régulièrement, environ toutes les 2 heures pour aller manger, boire, exprimer ses comportements sociaux…, mais sans risque de blessures ou de traumatismes. Les mouvements de lever et coucher ne doivent pas être entravés. Les logettes doivent être bien réglées (marche d’accès, barre au garrot, arrêtoir) et bien dimensionnées, adaptées au gabarit des animaux. Dans le cas contraire, la logette sera évitée et le temps debout plus long.

Une logette mal conçue entraîne également davantage de souillures, de bouses et un mauvais écoulement des jus. La logette salie devient un nid pour le développement et la persistance d’agents pathogènes.


Les aires de circulation


Comme pour le couchage ou l’accès à l’auge, les aires de circulation doivent être dimensionnées à la taille du troupeau. La quantité de déjections qui varie selon la densité d’animaux a un effet sur la propreté des locaux et donc sur la propreté des pieds. Par ailleurs, une aire d’exercice, des couloirs de circulation trop exigus seront à l’origine de bousculades, générant parfois des traumatismes.

Les vaches doivent pouvoir se déplacer en toute sécurité, sans craindre de chutes ou de glissades. Les sols glissants provoquent des stress et aboutissent finalement à une diminution de la circulation des vaches et des comportements naturels (ex : extériorisation des chaleurs). Il est important de remédier à ce problème car dans les deux cas, les boiteries menacent : les glissades peuvent occasionner des blessures et des traumatismes. La  diminution de la circulation entraîne une usure irrégulière des onglons.

De plus, les vaches fréquentant moins l’aire d’exercice, souillent davantage l’aire de couchage et se salissent davantage, notamment au niveau de la mamelle…

Le rainurage de l’aire d’exercice et de l’aire d’attente, la scarification des bétons apportent de la rugosité (mais pas trop) à la surface, favorisent un meilleur appui des pieds et évitent les accidents lors des déplacements.



Les sols doivent être suffisamment rugueux mais pas abrasifs pour assurer une certaine usure de la corne, sans être traumatisante.


La présence d’obstacles dans le bâtiment comme des marches trop hautes avec des arêtes tranchantes, des angles de circulation trop serrés (couloir de retour de salle de traite), des sols usés sont à proscrire. Des pressions du pied ou des butées sur ces obstacles saillants causent des traumatismes, voire des troubles de circulation sanguine et des destructions des petits vaisseaux qui irriguent le sabot.


Ces obstacles, sous la forme de cailloux tranchants, se retrouvent souvent sur les chemins d’accès aux pâtures. Ces derniers peuvent être en pente, ravinés, boueux avec une humidité stagnante. Le pâturage a un impact positif sur la santé des pieds. Il est dommage d’annuler cet effet à cause d’un chemin mal adapté.


Les chemins présentant une couche de terre et de sable assurent le confort des animaux et permettent l’infiltration de l’eau. Certains recommandent d’implanter des haies le long de l’accès pour absorber l’eau qui s’écoule.


Il convient ensuite d’entretenir ces chemins et empêcher qu’ils ne s’abîment par l’érosion, le passage des animaux…ou des engins agricoles.



L’hygiène des locaux


La qualité des sols et leur entretien régulier ont un réel impact sur la santé des pieds des bovins. Afin d’éviter les glissades et réduire les problèmes de boiteries, il est nécessaire d’entretenir les sols propres et secs.


Une mauvaise hygiène des sols va favoriser le développement d’agents pathogènes dans l’exploitation et la multiplication de boiteries d’origine infectieuse telles que Mortellaro et fourchet. Par ailleurs, un environnement souillé et humide offre des conditions de survie optimale pour des bactéries responsables de surinfections.


L’humidité reste le problème majeur. En ramollissant la corne et la peau, elle fragilise les tissus et favorise les infections. Le nettoyage régulier des logettes, des couloirs et le raclage de l’aire d’exercice permettent d’éliminer les déjections et d’évacuer l’humidité des sols. Cet entretien indispensable assure la propreté des animaux et la santé de leurs pieds tout en contribuant à leur confort.


Le système et la fréquence de raclage sont à adapter en fonction du type d’effluents (lisier/fumier). Si le raclage est déterminant, d’autres facteurs influencent la propreté des sols : Une mauvaise ventilation dégrade l’ambiance du bâtiment et empêche l’évacuation de l’humidité. Au niveau du sol, la qualité des bétons, un défaut de planéité, des pentes insuffisantes peuvent être la cause de flaques stagnantes et d’une mauvaise évacuation des jus.  



La prévention des boiteries


Les boiteries ne sont pas une fatalité. La première mesure de biosécurité est de ne pas les introduire par des achats.


Au sein de l’élevage, la prévention des boiteries passe par un environnement propre et confortable. L’hygiène des locaux évite les pieds sales. Le nettoyage des pattes au jet d’eau en salle de traite ou au cornadis peut s’envisager. Complété par la pulvérisation d’une solution désinfectante ou le passage régulier dans un pédiluve, il a un effet préventif sur les boiteries.


L’alimentation et l’apport d’eau en quantité et en qualité jouent un rôle important pour la santé du pied. Il faut éviter les déséquilibres et les carences dans la ration. Les nutriments nécessaires à la fabrication de la corne doivent être apportés en quantité suffisante. Il faut veiller à l’état d’engraissement de l’animal. En cas d’amaigrissement, le coussinet graisseux plantaire fond. La vache a moins d’amorti sous le pied et se blesse plus facilement.



Mais, avant tout, pour prévenir les boiteries, il faut savoir les repérer et les traiter précocement. Les retards ou les erreurs de diagnostic engendrent une aggravation, réduisent les chances de guérison et augmentent les risques de propagation au reste du troupeau.


Le parage préventif peut aider à la détection des lésions avant qu’elles n’engendrent des complications.


Dernière piste à explorer : la génomique. Un déterminisme génétique à la sensibilité aux affections du pied a été mis en évidence chez les bovins. Une amélioration de la santé du pied est envisageable par la génétique.



Les boiteries sont une véritable atteinte au bien-être animal et sont à l’origine d’importantes pertes économiques (traitement, production…).


90% des boiteries sont podales. Elles sont souvent infectieuses ou lésionnelles. La plupart d’entre- elles sont évitables en misant sur des mesures simples de biosécurité. Ne vous laissez pas déborder par les boiteries. Adoptez les bons réflexes et vous verrez : « La biosécurité, c’est vraiment le pied ! ».


Pascal LE BEGUEC GDS53 pascal.lebeguec.gds53@reseaugds.com